Mémoire de recherche sous la direction de Jean-Marie Billa. Master 1 : Paysage et évaluation environnementale dans les projets d’urbanisme et de territoires. 2014. Institut d’Aménagement, de Touriste et d’Urbanisme (IATU).
Espaces publics ; idéal, revitalisation et acupuncture urbaine.
Étude comparée de trois espaces publics bordelais.
Vous pouvez télécharger le mémoire dans son intégralité ICI.
« Public spaces ; model, revitalization and urban acupuncture. Case study of three public spaces. » You can download the full thesis (in french) HERE.
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« L’eau coule, les nuages demeurent. »
Proverbe chinois
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Sommaire (extrait)
I. La place Fernand Lafargue, un espace public idéal
II. Deux espaces publics (extra)ordinaires
III. L’acupuncture urbaine, approche organique
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Introduction (extrait)
« Le paysage urbain est quelque chose que l’on doit voir, dont on doit se souvenir et se délecter »1.
Deux formes identiques peuvent être perçues de multiples manières si l’on fait varier leur couleur, leur position ou leur agencement relatif. De nombreuses pérégrinations urbaines et un goût prononcé pour l’observation m’ont permis de prendre conscience de la richesse potentielle de l’espace public. Celui-ci peut avoir la capacité de rassembler de manière temporaire ou pérenne, spontanée ou planifiée les individus qui peuplent la ville. Le philosophe Alain de Botton écrit que « l’architecture est fondée sur l’idée que nous sommes des personnes différentes dans des lieux différents »2. Cette vision de l’interrelation complexe entre l’individu et son contexte socio-spatial est au cœur des recherches de la psychologie environnementale. Celle-ci nous indique que « l’environnement n’est pas un simple décor »3 car il a bien été démontré que « les individus se comportent différemment selon le lieu et les personnes auxquelles ils se trouvent confrontés »4, et ainsi qu’il « ne suffit plus qu’il réponde aux exigences fonctionnelles ». De Botton considère ainsi que l’architecture est un « moule psychologique » et rappelle par ailleurs que les théologiens du moyen-âge avaient bien compris que « l’humanité serait plus efficacement influencée par l’architecture que par les écritures ».
[…]
Les sites faisant l’objet de notre étude ont été choisis pour leur forte fréquentation et leur disparité de traitement architectural.
1. Place Fernand Lafargue, en plein centre historique de la ville de Bordeaux,
2. Place Pont du Guit/Rue d’Armagnac, à proximité de la gare Bordeaux-Saint-Jean,
3. Passage de la Benauge (sous les voies ferrées), en limite du quartier de la Benauge.
Carte des sites d’étude
_I. La place Fernand Lafargue, un espace public idéal (extraits)
La Place Fernand Lafargue tire son nom d’un célèbre écrivain. Très fréquentée par les bordelais, elle fait partie des circuits touristiques classiques de la ville ancienne. Elle nous intéresse par la forte attractivité qu’elle exerce sur tout nouvel arrivant et au delà pour l’impression d’équilibre et de dynamisme qu’elle dégage. Si elle apparaît parait très réduite spatialement elle dégage dans le même temps une grande intensité.La place se situe en plein centre ville historique de Bordeaux, sur l’emplacement de l’ancien marché médiéval.
Photographie de la Place Fernand Lafargue
Infrastructures de mobilité et lieux de sociabilité
Repères urbains
Lors d’une première observation, je constatais successivement une légère pente, un mobilier discret et intégré, des enfants qui jouent, des voitures lentes, des pigeons qui volent et une séance de photo de mariage. Mes premières impressions étaient ainsi les suivantes : sentiment de calme, d’espace valorisé, de vie et d’un bon équilibre entre espace bâti et vide.
Plan de la Place Fernand Lafargue
Appropriation :
La place est très fréquentée à toutes les heures du jour et de la nuit. Elle est appréciée aussi bien par les touristes que par les habitants, par les enfants, les couples et les personnes âgées. Les cafés sortent les terrasses dès le matin, puis les magasins ouvrent. Les terrasses font le plein d’habitués de de visiteurs à l’heure du déjeuner puis les enfants viennent jouer à l’heure du goûter. En début de soirée les magasins ferment pendant que les lycéens et les salariés viennent prendre un verre. Enfin passée l’heure du dîner, quelques fêtards s’attardent à la sortie des bars et la place est parcourue par les derniers oiseaux de nuit.Il est intéressant de noter que pendant la journée, le temps d’appropriation de l’espace libre est apparaît généralement assez court (5/10 minutes), le temps pour un enfant de jouer, pour une personne de s’asseoir ou de regarder le menus des restaurants.
Vue aérienne de la place Fernand Lafargue
Établissement de critères d’évaluation de la qualité d’un espace public :
Quelle serait la définition d’un espace public de qualité ?
Devant les innombrables définitions proposées par les chercheurs des différentes disciplines du champ des sciences humaines et sociales, nous retiendrons ici une définition5 volontairement restrictive et excluante d’un espace public : « espace d’interaction sociale entre les acteurs urbains, tout comme un espace d’interaction urbanistique entre les bâtiments et les espaces clôturés. » C’est donc un double substrat permettant le déplacement des personnes ainsi que leur rencontre au moins visuelle. Olivier Mongin6 parle d’un « espace offrant au public une commune visibilité », on pourrait ainsi l’appeler espace du commun. La définition retenue de l’espace public est restreinte à une réalité physique visible et objectivable. Mais pour aller plus loin dans la compréhension et la fabrication d’« espaces publics de qualité » nous aurons à prendre en compte la dimension subjective et sensible, étant entendu que « l’imaginaire pour n’être pas un objet physique, n’en est pas moins un principe actif de la réalité »7.
A. Le « goût » de la Place de qualité ; définition
Nous définissons une fréquentation active par la présence d’individus qui vont ralentir, voir s’arrêter ou faire quelque chose au contact de cet espace public. Il doit donc y avoir une forme d’interaction entre le passant et le lieu (les autres passants sont inclus dans la notion de lieu). Marcel Poëte nous rappelle qu’une agglomération naît « aux endroits ou il faut s’arrêter en raison d’un changement de mode de circulation ou aux limites de deux régions ». En extrapolant, nous pouvons émettre l’hypothèse que le ralentissement, le changement de rythme seraient la condition même de l’expression de l’humanité car ils permettent à l’homme de contempler le monde et de se relationner à autrui.La fréquentation mixte signifie que les passants sont de différentes natures et classes d’âge : nous pourrons y retrouver aussi bien des touristes que des habitants, des jeunes enfants que des personnes âgées. Nous pouvons ajouter à cette définition de l’espace public idéal le fait que la fréquentation doit également être intense mais répartie, temporellement comme spatialement.
B. La « recette » de la Place de qualité ; critères conditionnels
Dans une optique de détermination de conditions d’attractivité « universelles », nous retenons dans cette première partie de l’étude trois critères fondamentaux et un critère facultatif. En imaginant virtuellement la fabrication d’un espace public, le premier critère doit être satisfait, puis le deuxième et enfin le troisième pour que la qualité attendue soit observée.Les deux premiers critères sont de nature objective, le troisième et surtout le quatrième sont de nature plus subjective :
1. circulation de piétons et/ou vélos en quantité
2. espace libre disponible
3. stimulations diversifiées
(4. identité et symbolique de l’espace)
La circulation est posée comme fondamentale, préalable nécessaire à une potentielle attractivité. Immédiatement après, l’espace est considéré comme condition indispensable à l ‘épanouissement potentiel du mouvement. Enfin, une stimulation est nécessaire pour faire infléchir le passant. Elle doit être diversifiée pour que le caractère mixte de la fréquentation soit réalisé.[…]
Les critères posés précédemment nous permettent d’établir cette grille d’analyse des espaces publics.
Si nous appliquons les critères de mesure à la place Fernand Lafargue nous obtenons le tableau suivant :
L’objectivation de la qualité d’une place nous permet de comprendre ce qui conditionne son attractivité, de définir un idéal et alors de pouvoir projeter ces conditions sur n’importe quel espace public dans la perspective d’une création ou d’un réaménagement.[…]
III. L’acupuncture urbaine, approche organique (extraits)
Considérant que la place est un organisme vivant qui respire, se remplissant et se vidant au fil de la journée, nous allons aborder l’espace public non plus comme un substrat statique permettant des interactions mais comme la cristallisation d’un équilibre dynamique partie d’un tout organique. Cette approche pourrait s’apparenter à une approche dite systémique dans le sens où le tout (système) est alors le fruit de l’interaction d’éléments interdépendants. Le rapprochement entre la pensée chinoise traditionnelle et l’approche systémique occidentale a été mis en avant par un certain nombre d’auteurs8.
D. Critères d’analyse inspirés de la philosophie chinoise
Dans une approche organique, l’espace et ses caractéristiques influent sur la circulation de l’énergie qui parcourent la ville. L’espace public peut être appréhendé comme une partie du corps urbain qui permet à l’Homme, vecteur de cette énergie, de se déplacer.
Nous pouvons alors appliquer à notre lecture spatiale une analyse inspirée de la logique Yin-Yang précédemment énoncée d’opposition relative entre « les deux faces d’une même pièce ». Ainsi un des couples symboliques fondateurs est le couple Dao-De9, c’est à dire universel-particulier. Ce couple peut être interprété directement ici par un couple générique-singulier ou encore standard-spécifique. Il influe sur le couple lent-rapide en marquant l’espace et lui conférant des propriétés. Ce dernier est à son tour déterminé par l’équilibre du couple vide-plein.
Notre étude se limitera à la prise en compte de ces trois couples, bien que d’autres pourraient également être intéressants à étudier tels que dur-mou, intérieur-extérieur ou encore temporaire-permanent.
Illustration du rapport vide-plein de la place Fernand Lafargue
Illustration du rapport lent-rapide de la place Fernand Lafargue
Illustration du rapport standard-spécifique de la place Fernand Lafargue
[…]
Cette dernière approche que nous avons qualifiée d’organique considère l’espace comme un corps complexe doté d’attributs qui sont complémentaires. Les conditions de la qualité de l’espace public ne résident pas alors dans la prédominance d’une caractéristique mais bien dans l’équilibre dynamique de celles-ci.
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Conclusion (extrait)
On ne pourra conclure qu’une approche fonctionnaliste ou organique soit plus pertinente dans le sens ou elle aboutirait à une meilleure analyse et à de meilleures recommandations d’aménagement. Les deux approches procédant par objectivation de paramètres établis, c’est la pertinence du choix des critères, leur articulation et leur éventuelle pondération qui produira la qualité de l’analyse. Dans les deux cas, nous pouvons souligner la nécessité de passer du temps sur place pour appréhender les dynamiques de circulation et le comportement des passants. De cela dépend la qualité de la représentation des lieux étudiés qui conditionne nécessairement la qualité de l’analyse et par extension l’action sur ces espaces publics. La recherche actuelle dans le domaine de la cartographie sensible illustre une volonté de reconnecter les sens et la raison, perceptions sensibles et analyse méthodique.
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« Est vrai ce qui réussi, est faux ce qui échoue.»
Proverbe chinois
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1 LYNCH, Kevin. L’Image de la cité. 1969.
2 DE BOTTON, Alain. L’architecture du bonheur. 2007.
3 MOSER, Gabriel. Psychologie environnementale, Les relations homme-environnement. 2009.
4 Ibid. citant GOFFMAN. 1973. p.12
5 FUSCO, Giovanni. L’analyse des espaces publics – Les places. 2012.
6 MONGIN, Olivier. Métamorphose de l’espace public. 2012.
7 BOULEKBACHE-MAZOUZ, Hafida. Lire l’espace public pour mieux l’écrire. 2009.
8 VORAPHETH Kham. Forces et fragilités de la Chine: les incertitudes du grand Dragon. 2009.
9 KALTENMARK, Max. Lao Tseu et le taoïsme. 1974.
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Pour aller plus loin et découvrir l’application de cette analyse à deux espaces publics (extra)ordinaires, vous pouvez télécharger le mémoire dans son intégralité, en cliquant ICI.