En mai-juin 2024, nous avons travaillé avec le réseau* égalité femmes/hommes de l’IGN sur une série d’ateliers de cartographie sensible concernant la perception des lieux de travail et de la ville, avec une approche genrée.
*devenu le réseau « Égalité-Diversité »
L’IGN (Institut national de l’information géographique et forestière) est un établissement public placé sous la tutelle des ministères chargés de l’écologie et de la forêt. Ce projet a été initié par Amélie Crépin (Correspondante égalité professionnelle) et Frédéric Brönnimann (Référent Égalité – Diversité de l’IGN), soutenu par Frédéric Cantat du Lab IGN et Emilie Pourquery de la Direction de la communication.
Les objectifs étaient pluriels ;
1/ Mieux connaître l’état existant en matière de perception genrée des espaces de travail (internes et externes) et de la ville lors des trajets domicile-travail (espaces publics, transports…).
2/ Partager les perceptions des participant.e.s aux ateliers aux autres collègues de l’IGN, par la restitution de ces travaux.
3/ Sensibiliser les collègues de l’IGN à la question du rapport femmes/hommes à l’espace.
Dans un premier temps, nous avons proposé une conférence webinaire en interne intitulée « Cartographie sensible et lecture genrée de la ville » qui visait à sensibiliser les agent.e.s au sujet de la cartographie sensible, à l’approche genrée de l’analyse de l’espace puis finalement à motiver les personnes volontaires à participer au cycle d’ateliers proposés.
Le travail de production des cartes sensibles s’est a été séquencé en 3 ateliers. Les 15 participant.e.s étaient pour 2/3 des femmes*, et 1/3 des hommes (alors que l’IGN compte 63% d’hommes). Nous avons fait deux groupes mixtes et un groupe non mixte féminin.
Atelier 1 : Récolte des données, suivant un protocole simple et efficace
Dans un premier temps j’ai distribué un support individuel de facilitation et de récolte des informations, sur lequel indiquer quels sont les lieux marquants, les sensations associées à chaque lieu, ainsi qu’une histoire/anecdote.
Puis il y a eu un temps de partage en groupe, avec un support d’écoute active. Pour finir, les groupes sont allés faire un peu de terrain pour amplifier les informations récoltées en salle, à l’intérieur du site de Saint-Mandé mais aussi à l’extérieur dans les espaces publics alentours.
Atelier 2 : Analyse collective et organisation des données + premières idées de formalisation
Atelier 3 : Finalisation des rendus
Les rendus étaient libres et tout type de format pouvait être envisagé (carte « classique », maquette, sculpture, audio…), avec simplement la proposition de faire apparaître la dimension de genre.
Comme à chaque fois que j’encadre ce type d’exercice, et ici plus particulièrement, les rendus proposés ont été très diversifiés avec chacun leur spécificité et leur pertinence. La « culture ingénieure » de l’institut s’est très bien combinée avec la créativité et l’ouverture d’esprit nécessaire à la production de rendus originaux, sensibles et compréhensibles.
Groupe mixte constitué de Mattia, Mélanie, Estelle, Amélie, Elfège, Catherine et Jean-Marc.
« Notre groupe a imaginé une cartographie multidimensionnelle sous forme d’un mobile, qui a plutôt fini par ressembler à une méduse. L’organisation verticale allant du lieu le plus apprécié vers le moins apprécié a été retenue. Chaque fil de laine vert représente une appréciation positive, chaque fil rouge une appréciation négative et le fil gris indique le neutre. »
Groupe mixte constitué de Abigaïl, Frédéric, Jean-François, Lise, Maureen, Régis et Thierry.
« Les ressentis exprimés pour chacun des lieux identifiés sont représentés par des dessins (parfois structures 3D) ou collages de photos ou de cartes qui symbolisent les éléments les plus caractéristiques ainsi que par des mots ou phrases pour qualifier les sensations que ces espaces génèrent : écritures en couleurs plutôt vertes pour les sensations agréables, et en rouge ou noir pour les sensations négatives. »
Groupe non mixte constitué de Aurore, Émilie, Gaëlle, Marie et Mathilde.
« Nous avons décidé de représenter les 26 lieux identifiés comme des cibles en les situant dans un demi-cercle, allant du bureau au télétravail,. Le tissage avec la technique du bracelet brésilien représente le ressenti de chacune dans les lieux figurés, allant du vert sombre (ressenti très positif) au rouge (ressenti très négatif). Le vert clair et l’orange traduisant des ressentis plus modérés, le jaune pâle un ressenti neutre et le gris la non fréquentation du lieu. »
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Pour conclure, nous avons organisé un temps de restitution des productions qui était ouvert à tou.te.s les agent.e.s de l’IGN.
Puis elles ont été exposées pendant deux mois dans un hall de l’établissement, et ont fait l’objet d’une communication interne dans le portail « Égalité-Diversité ».
À titre personnel la conception et l’animation de ces ateliers ont été très satisfaisantes et constituent une belle reconnaissance. En effet, à l’issue de nombreuses années de plaidoyer pour cette discipline alternative, utiliser mon savoir-faire pour la « maison-mère » de la cartographie en France constitue un vrai accomplissement, d’autant que la dynamique imaginée a été très bien reçue.
Un article paru dans le journal interne de l’IGN conclut que « ces ateliers ont été des moments riches d’échanges, offrant la possibilité de se frayer ensemble un chemin bienveillant et constructif vers l’écoute d’une parole sincère. La cartographie sensible serait-elle une piste à creuser pour favoriser la qualité de vie au travail ? ».
Bien sûr j’en suis persuadé :)
Frédéric Brönnimann, référent Égalité – Diversité, témoigne que « même si la thématique du genre n’est pas ressortie de manière primordiale dans les productions, l’ensemble des participants s’est accordé pour dire que les échanges entre collègues des deux sexes ont été riches, agréables. Ce travail a permis de mettre en dialogue des perceptions genrées de l’espace et de mieux se comprendre. Au point que quelques mois après, l’agencement des locaux (emplacements des vestiaires femmes et hommes) a bénéficié de ces enseignements à l’occasion d’un déménagement interne du site IGN. »
Preuve que les temps ont changé, l’IGN s’inscrit depuis quelques années dans un mouvement de démocratisation des cartes, en témoigne le lancement récent des Rencontres de la Cartographie.
Merci pour ce bel échange !
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